L'ECONOMIE GRATUITE : MYTHE OU REALITE ?
Le gratuit devient-il payant ? La gratuité est-elle l’avenir d’une économie où vous n’êtes pas le client mais le produit ? Peut-on consommer sans payer ? Est-ce la fin du capitalisme et la naissance d’une nouvelle économie collaboratrice ? L’ancienne économie devient-elle obsolète ? Ces nouveaux modèles sont-ils éphémères ou durables ?
Que de questions pour une réalité sonnante et trébuchante !
Des acteurs de cette économie « gratuite » sont en effet déjà devenus des géants de l’économie mondiale.
ALPHABET c’est en 2015 : 100 milliards de $ de chiffre d’affaires et 555 milliards de capitalisation boursière, 20 milliards de bénéfice en 2015. C’est la maison mère de GOOGLE, qui après moins de 20 ans (1998) d’existence, cumule : 92% des parts de marché des moteurs de recherche, 3.3 milliards de requêtes par jour, 81% des portables sous ANDROÏD, 1 milliard d’utilisateurs GMAIL, et une zone de clientèle égale à 7 milliards de personnes !
A l’inverse, des secteurs entiers ont été perturbés par la massification et la numérisation de leur production qui l'ont rendue presque gratuite : la musique, l'édition, la télévision, la presse, l'enseignement supérieur avec les MOOC (Massive Open Online Courses)...
Des milliers d'entreprises se sont créées sur le principe de l'économie collaborative ou/et gratuite. Certaines font des profits et d'autres non, telles Wikipédia (280 personnes et 35 millions de contributeurs, 62 millions de dons, 15 milliards d’accès par mois), TripAdvisor (3 358 personnes, 385 millions d’avis, 350 millions de visiteurs uniques).
L’industrie musicale est en pleine renaissance grâce aux plateformes de diffusion de la musique, en écoute sans téléchargement (streaming) : le nombre d’abonnés payants à ces services en ligne est passé de 8 millions en 2010 à 68 millions en 2015 (sources IFPI).
De la gratuité rémunératrice : quelle est cette contradiction ? Comment définir ces modèles commerciaux ?
Face à un coût marginal de l’information dans l’économie de l’immatériel, quasi-nul , face à une infinie capacité de copies difficilement maîtrisables, les modèles possibles sont de 5 ordres :
- Tout d’abord et évidemment, la publicité : contenu gratuit, vente de l’espace publicitaire (Google, Facebook, journaux gratuits, télévision),
- Le produit principal est gratuit, et dès qu’il est en ma possession, je suis captif d’un autre produit (Gilette qui vend ses rasoirs à un prix dérisoire et génère sa marge sur la vente de ses lames, Ryanair qui rentabilise ses vols à (très) bas prix en partie avec des services annexes payants.),
- La version de base est gratuite mais la version élaborée ou la mise à jour est payante (logiciels anti-virus, extensions pour sites Wordpress, « bonus tracks », disponibles uniquement sur le site de l’artiste, option Premium d’Amazon : livraison gratuite, livraison le lendemain payante sous forme d’abonnement (80 Millions d’adhérents, outil majeur de fidélisation, 25% de marge opérationnelle d’Amazon sur le « cloud computing », 1% sur le reste de ses activités),
- Le don (Wikipédia), à la base de l’économie de partage,
- La monétisation des données stockées : Facebook revend aux entreprises la possibilité de cibler des groupes de personnes en fonctions de leurs affinités avec les produits.
Pourquoi serions-nous prêts à payer pour quelque chose que nous pourrions obtenir gratuitement ?
Où se trouve la pénurie ? Qu’est-ce qui a de la valeur et qui ne se copie pas ?
A titre d’exemple « la confiance » : la confiance ne peut être ni copiée, ni achetée. Avec du temps, il faut la construire patiemment : on ne peut pas la télécharger.
Quelles sont les approches possibles du client dans ces différents modèles ? (source : Kevin Kelly, fondateur du magazine Wired.). Quelles sont ces valeurs très nettement supérieures au gratuit, et qui peuvent générer des revenus ?
- l’Immédiateté : pour une application web, cela consiste en une garantie de service (hébergeur sérieux, réactivité, etc...) liée à l’accessibilité. Dans l’économie réelle, c’est ce que recherche le public qui va au cinéma le jour de la sortie pour voir un film qui va être payé au prix fort, alors qu'il pourrait l'obtenir ensuite gratuitement ou presque, en le louant ou en le téléchargeant.
- la Personnalisation : elle requiert du temps, une communication constante entre le créateur et le consommateur, l'artiste et ses fans, le producteur et l'utilisateur.
- l’Interprétation : logiciel = gratuit, manuel d’utilisation= 10 000 € ! Une formation payante pour de futurs utilisateurs. Certaines entreprises, comme Red Hat, Apache et d'autres gagnent leurs vies en faisant en procurant le support payant pour des logiciels libres.
- l’Authenticité : les reproductions graphiques, comme les photographies et les lithographies, possèdent souvent avec le sceau d'authenticité de l'artiste, une signature pour augmenter la valeur de la copie.
- l’Accessibilité : nous payons des plateformes (Deezer) pour nous donner accès à n'importe quel extrait musical dans le monde, quand et où nous le souhaitons, à partir de n’importe quel support, de même que n'importe quel film ou photo (Abonnement à des hébergements Cloud).
- l’Incarnation : Le livre est gratuit, la conférence de l’auteur sur ce sujet est payante. Il en est de même pour un concert de musique.
- le Mécénat : une rémunération basée sur le don est possible, si elle est bien présentée/sincère et si le service propose une réelle valeur ajoutée. Les fans veulent récompenser les artistes, musiciens, auteurs etc… à la hauteur de leur estime, cela leur permet de maintenir un rapport personnel avec lui. Mais ils ne vont payer que si c'est très facile à faire, d'un montant raisonnable et en étant sûr que l'argent sera reversé directement aux créateurs.
- la « Trouvabilité » : certaines demandes complexes/non standards sont envisageables et monétisables. Les agrégateurs géants comme Amazon et Netflix génèrent en partie du profit en aidant leur public à trouver les œuvres qu'ils aiment. Ils rendent accessible le bénéfique phénomène de la « longue traîne », connectant un public de spécialistes à une production de niche.
A partir d’un produit gratuit, on peut construire un modèle de développement rentable si, et seulement si, le champ d’achalandage s’étend aux 7 milliards de personnes, donc des millions de « consommateurs » du service imaginé. Le chiffre d’affaires n’est plus égal au prix unitaire multiplié par le nombre de produits vendus, mais au revenu « captable » par client, multiplié par le nombre de clients.
Comment aborder ce nouveau modèle ? Google, Apple, Facebook, Amazon prétendent vouloir transformer la vie des gens en introduisant des ruptures d'usages. Comme le montre l'étude de Faber Novel (Novembre 2014 : « depuis Amazon, on se fait livrer 3 000 fois plus vite (10 avions et 4000 camions, 45.000 robots), depuis Google, on fait ses recherches 25 fois plus vite, depuis Apple, on s'offre de la musique 70 fois plus vite, depuis Facebook, on communique à son réseau 25 fois plus vite »).
Quelles sont leurs fragilités ?
Face à un coût marginal de l’information dans l’économie de l’immatériel, quasi-nul , face à une infinie capacité de copies difficilement maîtrisables, leurs fragilités sont multiples :
- Les hackers et l’insécurité informatique en forte croissance,
- Entre 10% et 30% des publicités en ligne sont sujettes à des pratiques frauduleuses,
- Un modèle qui ne paye que très peu d’impôt,
- Certains sont subventionnés ou l’ont été (Ryanair, journaux),
- Les performances des publicités sur Google ou Facebook sont auto-mesurées : il n’y a pas de tiers de confiance. La déperdition est énorme, les durées de visionnage surestimées, de 60 à 80%, le nombre de visiteurs de 33 à 55% chez Facebook,
- Un modèle qui semble générer des quasi-monopoles naturels (effet de réseaux, Bruxelles accuse Google d’abus de position dominante)
- L’exploitation de nos informations personnelles sans règle éthique, non sécurisées (programme de surveillance Prism, collaboration avec la NSA),
A ce rythme, dans moins d’un quart de siècle, l’internet à lui seul consommera autant d’énergie que toute l’humanité aujourd’hui (Gerhard Fettweis - Université de Dresde).
Larry Page, cofondateur de GOOGLE : « Nous aimons le nom Alphabet parce qu’il s’agit d’une collection de lettres qui représentent le langage, l’une des innovations les plus importantes de l’humanité, et qui est au cœur de la façon dont nous indexons les recherches avec Google ! Nous aimons aussi ce que alpha-bet signifie « Alpha » est le retour sur investissement, « bet » le pari , ce pour quoi nous luttons! ».
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